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Le chemin des anges. Ma traversée d’Israël à pied

par | 12 Fév 2023 | Recension | 2 commentaires

« On est juste en train d’être »

Linda Bortoletto engage sa vie sur un chemin complètement nouveau. Après avoir été dans l’Armée de l’Air, Capitaine dans la Gendarmerie et haut fonctionnaire en France l’auteur décide de partir à l’aventure pour aller à la découverte d’elle-même. Un vrai voyage intérieur alors que tout avait l’air d’être bien posé et ajusté dans des cases solides.

« Un besoin de se lancer dans une quête intérieure » après le décès de son père motivait cette démarche. La mort lui donnait l’occasion de se confronter à la vie d’une manière nouvelle et inattendue. Elle se rend compte qu’elle avait été durant toutes ces années, aliénée. C’est alors qu’elle décide de lâcher prise. Une question néanmoins la taraude de façon lancinante et urgente : « Qui suis-je ? ». La réponse qui est sans doute sur beaucoup de lèvres et dans de nombreux cœurs n’apportait pas de réponse immédiate si ce n’est le sentiment de ne pas être soi-même ; c’est-à-dire en phase avec ce qui résonnait au plus profond d’elle-même : « Libère-toi et découvre-toi telle que tu es ! » semblait encore lui dire son père…

« C’est Israël qui est venu à toi ! »

Ses premières expériences de quête spirituelle, de désir de grands espaces et d’horizons nouveaux l’ont amené à explorer des régions isolées du monde. Après avoir été plusieurs mois dans l’Himalaya, elle ressent à son retour en France un appel intérieur pour rejoindre Israël. Il ne s’agit plus, ici, de vastes espaces et des « contrées sauvages » au bout du monde mais un petit pays au bord de la Méditerranée. C’est d’ailleurs, lors de son séjour en Asie elle avait fait la connaissance de trois Israéliens qui lui avaient parlé de leur pays, de son côté multiculturel et de la nature extraordinaire qui se déploie du nord au sud.

Partir seule en Israël pour parcourir 1000 kms sur le « Schvil Israel » (« Sentier national israélien » ou encore le « Chemin des Anges ») paraît complètement à contrecourant tant la situation intérieure reste tendue ces dernières années. Quel Israël va-t-elle croiser et découvrir ? La paix intérieure ne s’est pas dissipée ; bien au contraire. La raison de ce voyage est limpide : savoir qui elle est et se remettre en question. Elle se donne deux mois pour parcourir à pied le pays du nord au sud, nouer des liens, tisser les fils d’un tissu à composer au fil des rencontres, des expériences diverses et riches tout à la fois. Sur ce Chemin il y a des hommes et des femmes qui accueillent soit pour un repas soit pour une nuit, et qui font partie d’une liste de personnes-ressource « schvilim » (des anges).

« Je serai ce que je serai ! »

Pour se retrouver il faut marcher, retrouver un équilibre humain et intérieur. Aller au cœur de soi. Un peu à la manière des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, mais ici il n’y a pas dans la démarche une quelconque visée spirituelle fixée et tournée dans un but religieux plus ou moins précis. Son chemin commence par la Vallée de la Houla ; une des 190 réserves naturelles d’Israël. Il se poursuit plus au Sud dans la ville de Tzfat ; Berceau de la mystique juive et de la Kabbale. La « ville bleue » est située au pied du Mont Meron, et c’est là qu’elle se plonge dans la lecture mystique en parcourant les pages d’un livre. Un passage développant l’idée du devenir de la Personne retient son attention : « Je serai ce que je serai ! ». Cette ville est symbolisée par « l’air » comme étant un des éléments de la vie. Les quatre villes sacrées d’Israël sont symbolisées par ces éléments fondamentaux : Jérusalem (le feu), Hébron (la terre), Tibériade (l’eau), et Tzfat (l’air). La « ville bleue » donne l’impression de cette légèreté et de liberté pour entrer en-nous-mêmes et laisser notre âme s’envoler vers d’autres horizons. « On est juste en train d’être », dit-elle. A Tzfat, on ne peut s’empêcher d’évoquer la personne d’Abraham et sa geste mémorielle, son chemin intérieur, son pèlerinage sur la Terre que Yahvé allait lui donner ; et qui sera ce lieu béni sous le Ciel pour des générations et des générations, et pour de nombreux peuples !

« Lekh Lekha » (« Va vers toi-même »)

Si l’entreprise renvoie Linda Bortoletto vers elle-même, elle la conduit aussi à croiser ces « Schvilim » qui lui permettent de se découvrir plus en profondeur et de se remettre en question. Chaque rencontre est un univers, une histoire, une expérience nouvelle, une coloration donnée à la vie, à la rencontre multi confessionnelle et multiculturelle. La diversité devient de fait une richesse et une joie…, et pourtant, ce n’est pas de cela dont on parle quand on évoque Israël dans les médias. Au-delà même des catégories, des confessions et de la politique chaque personne apporte sa couleur et son histoire. Ce sont des gens métissés qui sont traversés par des histoires joyeuses ou malheureuses, par l’immigration et/ou l’exil, par la Shoah ou la Nakba. Chacun représente une partie du monde sur cette terre singulière reflétant en quelque sorte cette heureuse et joyeuse diversité.

Laissant derrière elle les terres de Galilée, le Lac de Tibériade et la Judée la voilà dans le Désert du Neguev. Au sud de Ein Guedi, l’auteur fait halte au bord de la Mer Morte. Un lieu incroyable à 400 mètres en dessous du niveau de la Mer. Que peut-on découvrir sur sa propre identité sur cette terre de désolation ? Quand il n’y a rien, il reste notre Moi et cette prise de conscience autour de la Vie. Elle lâche prise en s’abandonnant à la Vie dans un endroit où il n’y a pas de vie. Là est le paradoxe… Le temps s’efface surtout dans le Désert au profit de l’espace. On y perd rapidement ses repères. Ces terres désertiques narrées par Lawrence d’Arabie ou l’écrivain Le Clézio sont des hauts lieux de révélation. On est seul face à soi et à l’espace : « l’instant, dit-elle, devient l’Instant. On touche à quelque chose d’essentiel, à ce moment présent vécu dans une grande quiétude ». Le Nouveau Testament rapporte les Quarante jours de Jésus dans le désert avant de commencer son Ministère public ; temps de solitude et de tentations. Le monastère de la Quarantaine, non loin de Jéricho ; ainsi que les monastères Saint Georges de Koziba (« Mar Jaris » dans le Wadi Quelt) et Sainte Catherine dans le désert du Sinaï en portent mémoire.

« Tout est unité ».

Le « Chemin des Anges » permet à l’auteur de réunifier ce qu’elle portait en elle-même : une quête identitaire et spirituelle qui l’unit aux vastes chemins du monde et à chaque réalité humaine. Transmettre et laisser une trace de son passage lui paraissait tomber sous le sens. Neuf mois après avoir foulé les sentiers d’Israël, elle revient dans le pays pour confirmer son intuition intérieure. C’est à Jérusalem durant la Fête de Chavouot qu’elle reçoit une motion intérieure l’invitant à retranscrire cette expérience.

« Marche sur ton propre chemin, tout le reste est égarement »

Se mettre en mouvement à l’image d’Abraham pour aller vers soi, et faire vivre ce mouvement qui rejoint forcément l’Autre dans sa singularité lui semble urgent. Les craintes que nous portons, doivent tomber au profit de la confiance et de la rencontre. Il faut oser pousser la porte et se mettre en chemin. « La richesse est à l’intérieur de nous-même ! »

« Ce chemin m’est devenu lien, entre terre et ciel, ombre et lumière, visible et invisible, mythe et réalité, lien entre une multiplicité de paysages, de religions, de traditions, de vies, de visages. Au fil des jours, il a recousu les fragments d’étoffes qui me dépeçaient. Il a brodé dans ma chair la force de son symbole : tout est unité ».

Pour aller plus loin :

Jacob SAAR, Israel National Trail – Hike the Land of Israel. 2016.

https://www.tapatalk.com/groups/israel-trail/

Liste actualisée des « Anges du Chemin » – https://shvil.fandom.com/wiki/INT_Trail_Angels

Linda BORTOLETTO, Le chemin des anges. Ma traversée d’Israël à pied. Ed. Payot et Rivages. Paris 2021. 271 pages (8,70 €)

 

2 Commentaires

2 Commentaires

  1. Smets

    Bonjour monsieur ,

    Je vous remercie pour la présentation de ce livre qui me parle profondément.
    J’ai découvert Israël en novembre dernier avec un de mes fils.
    Cela m’a bouleversée et j’ai l’intention d’y retourner en automne prochain.

    Bien à vous ,

    Catherine

    Réponse
    • Patrice Sabater

      Merci beaucoup pour votre avis.
      Je vous souhaite de découvrir ce beau pays qui ouvrira certainement pour vous des horizons nouveaux…
      A bientôt !
      Patrice Sabater

      Réponse

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